Depuis la fin des années 80, cette jeune femme Dj et productrice a tout d'une grande. Elle est tombée dans le funk alors qu' elle avait à peine 16 ans. Depuis on peut dire que cette " First lady soul ", nous a apporté des concepts en béton tel que le Sunday School pour donner l'espoir aux enfants du bitume qui rêvent de gloire en canalisant leurs frustrations " bétonnées " dans la musique. S'essayant à tout ce qui peut apporter joie et divertissement, passionnée et foncièrement altruiste, voir philanthrope. Quand on sait que ce genre d'actions nécessitent beaucoup d'investissement personnel et financier, ce n'est pas forcément rentable mais cela fédère des gens et apporte beaucoup de joie à tous ces jeunes artistes. Il n'y a pas de doute Emilie est vraiment une funky-people.
Afrodeeeth : Quelle a été ta première approche avec la
musique ?
Dj Emilie : A 6 ans, on m'a offert un super tourne-disque, noir et blanc il s'ouvrait avec les haut-parleurs et la platine, j'écoutais de la musique comme ça. Mes parents écoutaient beaucoup de jazz, mon grand-père jouait dans un groupe de jazz. Après ça j'ai écouté de tout, à dix ans c'était de la disco après du reggae Stevie Wonder et pleins d'autres musiques, à treize ans j'étais " punkette " et après j'ai commencé à aimer la funky vers seize ans, le vrai déclic a commencé quand j'ai commencé à aller chez Roger au Globo animé par DEE NASTY, je n'en loupais pas une.
Afrodeeeth : Comment es-tu devenue DJ ?
Dj Emilie : J'ai été
contrainte et forcée (rires). Je faisais des cassettes pour des potes,
j'achetais des disques déjà depuis pas mal de temps et puis
un jour j'avais un pote à qui j'avais déjà fait pas mal
de cassettes qui m'a programmée pour une soirée, il a mis mon
nom sur le flyer et voilà !
En fait c'était une soirée un peu spéciale il avait réquisitionné
un hôtel particulier place des Vosges.
Afrodeeeth : Wouaaaaaaaaaah génial ! (je suis contente elle est vraiment funky)
Dj Emilie : Avec le courant électrique récupéré dans les armoires électriques, dans la rue. C'était vraiment à l'ancienne, ça n'a pas duré très longtemps car il y a eu les flics, j'avais vraiment le trac mais c'était super !
Afrodeeeth : Après cette première expérience que s'est-il passé pour toi en tant que DJ ?
Dj Emilie : En fait, je
ne voulais pas forcément être DJ car mon petit ami l'était
aussi et puis à travers lui je voyais un peu comment ça se passait,
la queue derrière les platines une sale ambiance la plupart du temps,
ça ne m'attirait pas du tout.
J'avais tout de même des potes comme Gilbert qui à l'époque
n'était pas dans la house mais dans le funk. Je connaissais pas mal
de gens qui étaient aux platines régulièrement, donc
j'ai été programmée assez vite, tout de suite après
il y a le Divan Du Monde, j'avais la " pétoche "
grave
!
J'ai fait comme ça pas mal de soirées ponctuelles puis j'ai
eu la possibilité d'être rentrée au Hot Brass pour des
soirées régulières pendant trois ans et ce fût
un vrai bonheur. Je mixais avant et après les concerts et c'était
vraiment la liberté !
Afrodeeeth : C'est donc grâce à cette opportunité que tu as pu ensuite imposer ce célèbre " Sunday SCHOOL "
Dj Emilie : Exactement
je bossais au Hot Brass et ensuite ils nous ont demandé si nous n'avions
pas des idées pour les dimanches. Et bien nous avons répondu
bien sûr que si. Et on a réfléchi à tout ce qui
était agréable à faire le dimanche. Faire des jeux de
société manger des gâteaux, voir des spectacles, voir
des films car j'ai organisé aussi des Groovy Movies.
C'étaient des projections de films avec des fêtes, films noirs
américains, on en a fait pas mal mais on s'est essoufflé parce
qu'on ne gagnait jamais d'argent, c'était gros à monter pour
pas de rémunération, mais c'était super, on a fait une
nuit Isaac HAYES au Tapis Rouge.
La première que l'on a faite, c'était à l'Institut du
Monde Arabe en 1992, tu vois, je suis ancienne! (Rires) avec 1000 personnes
qui en une demi-heure ont rempli la salle.
Afrodeeeth : Rappelle-nous les noms des fondateurs du " Sunday School " et l'année du lancement ?
Dj Emilie : En 1996 avec Jean Luc en MC (master of ceremony c'est à dire animateur au micro), Isaac et Nourredine qui sont aussi DJ. Cela a duré un an et demi au Hot Brass car ensuite il a fermé.
Afrodeeeth : Vous
ne croyiez plus au " Sunday School " après la fermeture du
Hot Brass ?
Pourquoi ce rendez-vous n'a-t-il pas continué ailleurs ?
Le lieu était vraiment
important parce que l'on avait tout construit autour de ce lieu. On bénéficiait
du parc de la Villette. Il y a des familles qui se baladent le week-end dans
le Parc, donc les gens pouvaient passer avec leurs enfants. Je n'avais pas
envie de transformer l'idée en un truc de nuit, ce qui était
intéressant c'était le côté tout public. Les gens
pouvaient
écouter de la musique tout en laissant leurs enfants danser dans une
bonne ambiance.
Afrodeeeth : Est-ce que une initiative qui peut s'avérer très bénéfique pour l'industrie musicale (Lâam a fait ses preuves au Sunday School) n'aurait pas pu continuer avec la cité de la Musique ?
Dj Emilie : Non, c'est
beaucoup trop institutionnel. Mais en fait après le Hot Brass nous
sommes restés en contact avec la Villette qui nous a proposé
d'organiser un événement parallèle, ce que l'on a fait
avec un espace que l'on a appelé " Cabaret " qui avait une
capacité de 400 personnes on a reçu 80 chanteurs et on a mis
le feu !! On les a dérangés parce qu'il y a un côté
incontrôlable on mettait trop d'ambiance, du désordre par rapport
au cadre
qui est une représentation du gouvernement, nous on arrive et on fait
une action sociale donc on n'est pas dans le cadre institutionnel. On est
dans le truc vivant et quand ça leur échappe, ils ont du mal,
donc ils n'ont jamais renouvelé leur invitation c'est dommage car ce
fût un grand succès.
Afrodeeeth : Le
" Sunday School " a découvert de nombreux talents qui sont
aujourd'hui les fleurs de l'industrie musicale, ( Lâam entre autres
est passée par-là) cela a marqué l'esprit de la plus
part des jeunes chanteurs " groove " sur la place francilienne pourquoi
pas un " Sunday School " à la télé pour découvrir
les nouveaux talents " groove "?
Dj Emilie : En fait comme on a fait participer Sidney qui est quand même
une vedette de la télé, une fois son émission terminée
il n'a cessé d'avoir des barrages, il a tout essayé, il n'a
jamais pu revenir. On lui a proposé le " Sunday School ",
lui-même a démarché France 2 et M6. Cela lui a été
refusé par les deux, apparemment pas intéressées par
ce genre de concept sauf que 6 mois après M6 lançait "
Graines de stars ", c'est un peu rageant.
Afrodeeeth
: DJ Emilie, en tant protagoniste du Funk pense-tu qu'il ait une scène
française du genre ?
Dj Emilie : Le funk est une musique ancienne, avec le barrage de la langue.
En France cela prend toujours du temps mais je pense que ça y est c'est
une musique que les gens se sont appropriés ici. Il n'y a qu'à
voir le nombre de chanteurs et de groupes qui s'en inspirent.
Afrodeeeth
: la composition musicale se fait à partir du " sampling "
et par cette méthode de travail, on peut considérer que le hip
hop, même en France, garde le funk vivant. Mais quand la basse de Labi
Siffre retentit la plupart des gamins te diront que c'est Eminem. Culturellement
le Funk est noyé par la malhonnêteté des producteurs qui
ne créditent pas et d'autre part le manque d'info sur cette musique
très importante (c'est pourquoi Funky-people.com représente
!) pour comprendre ce qui ce passe aujourd'hui.
Dj Emilie : C'est vrai qu'il m'est arrivé en passant des disques que
des gamins s'approchent de moi pour me demander de passer le vrai, le vrai
c'était la reprise. Ce qui s'est passé au Sunday school c'est
qu'il y avait des rappeurs qui n'avaient jamais chanté avec des musiciens,
le Sunday School leur a ouvert cette perspective là. Donc d'une certaine
façon ça a débloqué un peu l'esprit fermé
que certains artistes peuvent avoir. De toutes façons on aura toujours
besoin de musiciens. Le R'nB français proche du hip hop a besoin des
musiciens ce R'nB est en fait de la variété
"C'est vrai qu'il m'est arrivé en passant des disques que des gamins s'approchent de moi pour me demander de passer le vrai, le vrai c'était la reprise"
Afrodeeeth
: Effectivement ce n'est pas, du Rn'B c'est du VariéN'B.
Dj Emilie : oui très bien. Si tu veux, il y a quatre ans, personne
dans les maisons de disques n'y croyait aujourd'hui il n'y que ça qui
fait craquer les jeunes filles et ça marche. Pour faire tout ça
ils sont aidés par les producteurs indépendants qui finalement
leur apportent (aux majors) la soupe qu'elles demandent et à partir
de là ça va être dur d'améliorer le niveau. Sauf
si les indépendants se vendaient plus chers et s'affirmaient en prenant
des risques avec des artistes qui font un funk sans concession, mais ça
c'est difficile. J'ai vu tellement de groupes de funk français avec
de belles compos et être obligés de faire des reprises pour redescendre
dans le niveau exigé. Ils tuent ces groupes. Mais en tout cas ils auront
toujours besoin de musiciens, même si à un moment donné
on a cru que la machine allait les remplacer. Une machine ne remplace pas
une bonne session de cuivres. Le sampling maintenant a ses limites puisqu'il
revient cher. Pour la composition, la création cela va continuer.
Afrodeeeth : Donc on aura toujours besoin toi EMILIE pour rassembler les gens les faire chanter avec des musiciens et les mettre face à un public. Les fleurs du nouveau groove ça se passe au Sunday SCHOOL le 18 novembre 2001 à partir de 17h30 jusqu'à tard dans la nuit car il y a plein de choses qui vont se passer dimanche. D'ailleurs pourrais-tu nous dire si cela va devenir un événement régulier ?
Dj Emilie : On fait tout pour ; le prochain est prévu pour janvier. On est encore à la recherche du lieu et de la structure qui nous permette de mettre en place cet événement. On a décidé de reprendre parce qu'il n'y avait pas une semaine sans que l'on m'en parle. Ça a crée des liens donc un manque, donc un besoin. Ça a donné du boulot à plein de gens. On fait tout pour avec Sidy qui est très fédérateur.
Afrodeeeth
: Maintenant Emilie il est temps que je te pose la question qui tue !
Si tu devais te séparer de ta collection de disques, quels sont les
10 uvres phonographiques que tu garderais ?
Dj Emilie : Effectivement c'est dur comme question.
Je prendrai un JAMES BROWN, une compilation.
Un mes disques préférés c'est UNDISPUTED TRUTH produit
par Norman Whidfield " Smokin "
ROY AYERS " Searching " je crois.
Dans les contemporains je prendrai un MESHELL' le deuxième album.
PHARCYDE le deuxième.
PARLIAMENT " Up for the down stroke "
ARETHA FRANKLIN un album des années 1970
Un CURTIS MAYFIELD
Un FELA
BOB MARLEY " kaya "
LOS VANVAN c'est de la salsa faite par un groupe cubain dont le leader est
un bassiste contrebassiste.
Afrodeeeth
(Propos receuillis
fin octobre 2001)
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